vendredi 16 mars 2012

Tite-Live, Ab Urbe condita

Fiche d'œuvre

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Ab Urbe condita

Histoire romaine

Tite-Live



  • Date de parution : 29 av. J.-C. – 17 ap. J.-C.


  • Genre : Historiographie

>Historiens grecs :

- Hérodote (de Thourioi), Enquêtes (-445)

- Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse (entre 431-311 av.J.-C.)

- Xénophon (v.430-v.355 av. J.-C.)

- Timée (?-v.260 av. J.-C.)

- Polybe, Histoires (après 146 av. J.-C.)


>Historiens romains :

- les annalistes (en partic. Caton l'Ancien) : les Annales maximi (à partir du 3ème siècle av.J.-C.) étaient rédigées chaque année par le grand Pontife → TL s'inscrit dans cette tradition en suivant la chronologie année par année.


>>L'époque tardo-républicaine (2e moitié du 1er siècle av.J.-C.)=tournant pr genre historique à Rome :

- Salluste, Histoires (entre -67 et -35) : s'inspire de Thucydide pour ses monographies

- Jules César, La Guerre des Gaules (52-51 av.J.-C.) : l'histoire = moyen de légitimer et de promouvoir son action auprès de l'opinion publique

Ces deux historiens s'écartent résolument du modèle annalistique traditionnel.

- Tite-Live, Histoire romaine (29av.-17ap.) : reprend le flambeau des annalistes.

- Tacite, Historiae (+106) → couvre les années 69-70 après Jésus-Christ.


>Conception du travail de l'historien

- Entre les historiens antiques et notre conception moderne du rôle de l'historien :

Tite-Live et ses prédécesseurs

Conception moderne

Histoire de seconde-main (pas le cas de tous ses prédécesseurs)

Recherche « scientifique »

But didactique et édifiant (magistra vitae—Cicéron)

Souci d' « objectivité scientifique »

Rhétorique (historia ornata, opus oratorium maxime—C.)

En partic. pour les discours = « morceaux de bravoure »

Démarche « scientifique »


- Chez Tite-Live :

Fond

Forme

Célébration patriotique

Lien étroit avec la vision

Volonté de « donner à voir »

Visée didactique


Nous n'aborderons donc pas l’œuvre de TL comme une source historique, mais comme un témoignage de ce que signifiait « écrire l'histoire » à Rome, en général, et à l'époque d'Auguste en particulier.


  • Genèse et sources :

L'histoire qu'écrit TL est une histoire de seconde main : il n'a pas été témoin, il n'a ni consulté des sources directes (archives, etc.) ni vu les monuments ou régions qu'il décrit (sauf Rome).

Il se contente de prendre pour base de son récit les œuvres des historiens antérieures, en les confrontant et en choisissant celle qui lui semble la plus vraisemblable.

- Les annalistes romains : Pour une grande partie de son récit

- Polybe (le gd historien grec) : Pour les livres 31 à 45


  • Postérité :

Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live (1531) : remet au goût du jour l'oeuvre de TL, tombée dans une relative obscurité au cours du Moyen-Âge.


  • Éléments biographiques :

Titus Livius vécut de 64 av. - 17 après J.-C., à Padoue (réputée pour l'austérité de ses mœurs). On pense qu'il a peu voyagé, hormis à Rome, où il séjourna régulièrement et où il entretenait des liens avec : Mécène, Horace, Virgile, Properce, Messala, Tibulle, Suétone et les empereurs Auguste et Claude. Notable reconnu dans sa ville natale, il jouissait à sa mort d'une gloire littéraire éclatante.


Sénèque affirme qu'il aurait écrit des œuvres philosophiques ainsi que « dialogues » mais il ne nous en reste rien. « Ab urbe condita » = « Depuis la fondation de la Ville »



  • Contexte historique :

    L'effondrement de la République et l'avènement du principat augustéen


= transition d'un régime à l'autre : violence exacerbée, puis rétablissement de la paix et de la concorde civile.


753 av. J.-C. : date canonique de la fondation de Rome.

753 – 509 av. J.-C. : période royale.

509 av. J.-C. : renversement de la monarchie, établissement de la République.

509 - 27 av. J.-C. : époque républicaine.

133 av. J.-C. - 27 av. J.C. : crise politique majeure de la République

27 av. J.-C. : Octave =>Auguste, princeps. Établissement du principat (régime impérial). En théorie, auctoritas, mais non postestas. En réalité, auctoritas, imperium et potestas = pouvoir absolu. Le principat = une monarchie qui ne dit pas son nom.

27 av. J.-C. - 476 ap. J.-C. : époque impériale.


88-82 av. J.-C. : 1ère guerre civile (Marius (populares) contre Sylla (optimates))

49-45 av. J.-C. : 2ème guerre civile (César (populares) contre Pompée (optimates))

44 : Assassinat de Jules César

42 : Bataille de Philippes (Antoine et Octave contre Brutus et Cassius)

36 : Victoire sur le fils de Pompée (Sextus Pompée)

36-31 av.J.-C. : 3ème guerre civile : Bataille d'Actium (victoire d'Octave sur Antoine)


  • Structure :

- Livre 1 : la période royale (753-509) : l'arrivée d'Enée, la dynastie albaine, les règnes de Romulus, Numa Pompilius, Tullus Hostilius, Ancus Marcius, Tarquin l'Ancien, Servius Tullius, Tarquin le Superbe, ainsi que son renversement ;

- Livres 2-5 : les premiers siècles de la République (509-390) : la lutte contre les Tarquins, les deux décembirats, la prise de Véies, l'invasion gauloise de 309 av.J.-C. et les exploits de Camille ;

- Livres 6-10 : la conquête de l'Italie (390-292), avec les guerres latines et les guerres samnites ;

- La 3ème décade (livres 21-30) : la deuxième Gerre punique (216-202) (Hannibal, Scipion l'Africain, cette décade offre sans doute les plus célèbres « morceaux de bravoure » ;

- La 4ème décade (livres 31-40) : la Deuxième Gerre macédonienne et la lutte contre Antiochos III (201-179) ;

- Livres 41-45 : la troisième Gerre macédonienne (178-167)

L'Histoire romaine = 142 livres (peut-être 150 à terme) mais 35 seulement nous restent : 1-10 et 21-45.Le livre 142 s'arrêtait à l'année 9 après J.-C. On peut penser que les 150 peut-être projetés par l'auteur seraient arrivés jusqu'à la mort d'Auguste, en 14 ap.J.-C. Le contenu des autres livres nous est connu par des abrégés, les Periochae.


  • Sens et portée de l'œuvre :

TL annonce dès la Préface sa volonté d'écrire une œuvre patriotique, à la gloire du peuple romain (§9, voir ci-dessous).


  • Citations :

Deux dimensions fondamentales qu'il ne faut pas séparer : le témoignage historique et le texte littéraire. Deux textes-clés dans cette perspective :

« Ce qu'il faut, selon moi, étudier avec toute l'ardeur et l'attention dont on est capable, c'est la vie et les mœurs d'autrefois, ce sont les grands hommes et la politique, intérieure et extérieure, qui ont créé et agrandi l'empire. » (Préface, §9) → 1) Témoignage historique

« Ce que l'histoire offre surtout de salutaire et de fécond, ce sont les exemples instructifs de toute espèce qu'on découvre à al lecture de l'ouvrage, placés en pleine lumière comme sur un monument : on y trouve pour son bien et celui de son pays des modèles à suivre ; on y trouve des actions honteuses tant par leurs causes que par leurs conséquences, et qu'il faut éviter. » (§10) → Fonction didactique : 2) Texte littéraire




  • Thèmes principaux et motifs :

- TL établit un lien étroit entre vision et récit historique (« placés en pleine lumière comme sur un monument », Préface, §10). De fait, par le recours à différents procédés narratifs et stylistiques, TL offre une véritable représentation visuelle du passé à ses lecteurs, en leur « donnant à voir » les épisodes relatés.

Thucydide, La Guerre du Péloponnèse

Fiche d'œuvre

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La Guerre du Péloponnèse

Thucydide



  • Date de parution : entre 431 et 411 av. J.-C.



  • Genre : Historiographie

Homère

Hésiode

Hécatée de Milet

Hérodote

Thucydide

Muse inspiratrice et anonymat de l'auteur

Muse inspiratrice

mais l'auteur inscrit son nom et son personnage

Signature (caractéristique du moment présocratique)

Signature

Signature et mise en avant du rôle de l'écriture

Savoir universel transmis par les Muses


Esprit critique

et autonome

Ne s'intéresse qu'au passé récent

Recherche d'une Histoire de 1ère main

Vers hexamètres dactyliques (ποιηταί )

Prose (λογοποιοί , faiseurs de discours)

Prose

Surnaturel & Mythologie

Rationalisation des mythes ; rejet du merveilleux

Désintéressement des mythes

?

Archaïque

Présocratique

Dans la continuité des Présocratiques

Plutôt les

Sophistes

Histoire mue par les dieux


H. mue par des individus

Rapports de force, persa.collectifs, abstractions

Obsession de la précarité de la condition humaine

Idem que H. mais avec influences présocratiques

Confiance rayonnante, foi ds la puissance de l'esprit humain


  • Genèse et sources :

De première main : T. a participé à la guerre qu'il raconte, il a beaucoup voyagé.


  • Contexte littéraire et postérité :

- Thucydide cherche à rivaliser avec ses prédécesseurs : Homère, Hécatée, Hérodote.


A la différence d'Hérodote, qui hérite de la mentalité de l'époque archaïque et des présocratiques, sombre et superstitieuse, Thucydide est imprégné des idéologies classiques (plus proche des Sophistes) : optimisme fondamental, foi en la puissance de la parole, prise de distance avec la divinité.


- Suite de l'oeuvre : Les Hélléniques, de Xénophon


  • Éléments biographiques :

Thucydide : homme politique et historien athénien, né vers 460 av.J.-C. en Attique, mort peut-être assassiné vers 400 av. J.-C. Quasi-contemporain d'Hérodote, à une vingtaine d'années près.


Climat intellectuel assez différent de celui d'Hérodote.


  • Contexte historique :

L'âge classique de la Grèce antique (5ème siècle) : la Grèce victorieuse de l'immense empire perse pendant la 2ème Gerre Médique (480-479). Athènes et Sparte sont devenues les deux principales puissances qui polarisent le monde grec : la Ligue de Délos (Démocratique. Athènes et ses « alliés » = sujets qui doivent observer la loi athénienne et lui verser un tribut, prix de sa 'protection') et la Ligue du Péloponnèse (Oligarchique. Sparte et les siens). Conflit idéologique, mais surtout (selon Thucydide) rapport de force.

431-404 : Guerre du Péloponnèse : longue et atroce, aboutissement du clivage profond du monde grec.


Les Sophistes : Des intellectuels itinérants, pleins de savoir et d'éloquence dont ils font commerce auprès des élites (Protagoras, Gorgias, Hippias, Prodicos...). Contemporains, grosso modo, de Socrate. Ils poursuivent la tâche des Présocratiques mais en resserrant leur champ d'investigations sur l'homme, et en particulier dans sa dimension politique. Ils prônent le langage comme moyen de se distinguer dans une société, ils le conçoivent comme un outil et jettent les bases de la rhétorique, méthode de la parole et aussi méthode de la pensée.

L'oeuvre de T. peut se comprendre comme l'application à l'Histoire de la méthode de pensée consistant à articuler tout problème, toute situation, selon deux points de vue contraires, le point de vue « pour » et le point de vue « contre ».


  • Indications narratologiques / Structure et intrigues :

Raconte les 22 premières années de la guerre du Péloponnèse.


Livre 1

  • « L'archéologie » : la Grèce depuis les temps reculés

  • Explication méthodologique

  • Les causes de la guerre (-433-432) : Epidamne – Potidée

  • Conseil de la ligue du Péloponnèse

  • La « Pentécontaétie » : De la fin des guerres médiques au commencement de la guerre du Péloponnèse

  • Second conseil au Péloponnèse

  • Les manœuvres diplomatiques

  • Premier discours de Périclès

Livre 2

  • Commencement de la guerre : Thèbes tente de subvertir Platée

  • Liste des alliés de chaque côté

  • Première invasion de l'Attique (repli sur Athènes, abandon des campagnes, colère des Athéniens contre Périclès)

  • Ripostes navales athéniennes

  • L'oraison funèbre de Périclès

  • La peste à Athènes

  • Seconde invasion de l'Attique et les contre-attaques navales athéniennes

  • Troisième discours de Périclès (en défense de sa politique et de sa position)

  • Estimation par Thucydide des qualités de Périclès ainsi que des causes de la défaite finale d'Athènes


  • Sens et portée de l'œuvre :

- Chez T. apparaissent, plus que chez Hérodote, des causes et des acteurs plus abstraits : rapports de force, stratégies politiques à long terme, personnages collectifs 'la foule, l'aristocratie), abstractions 'le tempérament athénien, ou le tempérament spartiate).


  • Citations :

« Thucydide, citoyen d'Athènes, a écrit l'histoire de la guerre que se sont faites les Péloponnésiens et les Athéniens. Il s'est mis à l’œuvre dès le début de cette guerre, en présumant qu'elle surpasserait en grandeur et en importance toutes celles qui ont précédé.

Ce qui le lui faisait croire, c'est que ces deux nations étaient alors au faîte de leur puissance, et qu'il voyait le reste des Grecs ou prendre parti dès l'origine pour l'une ou pour l'autre, ou en former le projet. C'est en effet le plus vaste conflit qui ait jamais ébranlé la Grèce, une partie des pays barbares et, pour ainsi dire, le monde entier.

La distance des temps ne permet pas de discerner bien clairement les événements antérieurs ou d'une époque plus reculée ; néanmoins, d'après les indices que mes investigations m'ont mis à même de recueillir en remontant jusqu'à la plus haute antiquité, j'ai lieu de croire que ces événements furent peu considérables sous le rapport militaire, comme à tout autre égard. » Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, livre 1


  • Enjeux :

- L'étude de la spécificité du discours « historique » dans le contexte ancien : Ecrire l'histoire (voir dans la fiche sur Hérodote : « L'histoire aujourd'hui »)

- L'image de Sparte et d'Athènes dans les deux œuvres

- Comparaison d'Hérodote avec Thucydide


  • Thèmes principaux et motifs :

- "Acribie" vient du grec ἀκριβής, qui signifie "précis, exact". L'acribie est donc le souci de rigueur et de précision, le soin scrupuleux qu'on met à être exact. → Qualité d'historien, "inventée", en quelque sorte, par Thucydide.