lundi 1 septembre 2014

Génie grec

"Les Grecs ont à peu près créé les mathématiques pures, la géométrie, la mécanique ; ils ont commencé la géologie, la botanique et la médecine.
Dans les lettres, dans les arts, les Grecs sont restés les maîtres éternels. Nous ne sommes que leurs élèves. [...] Leurs statues mutilées sont la plus belle décoration de nos musées."
-- Petite histoire grecque, Victor Duruy, Hachette, 1883
Trois mille ans ont passé sur la cendre d'Homère,
Et depuis trois mille ans, Homère respecté
Est jeune encor de gloire et d'immortalité.
 -- Marie-Joseph Chénier, 1806

jeudi 8 mai 2014

Salluste, La Conjuration de Catilina

Fiche d'œuvre
*
Conjuration de Catilina
Salluste


  • Date de parution : - 44
Récit du complot de Catilina visant la prise du pouvoir, dénoncé par Cicéron (-63).

  • Genre : Historiographie
La période républicaine voit le développement de la littérature historique, qui s'oppose à l'idéal oratoire cicéronien, en rejetant l'éloquence et l'ornement. César (101-44), politicien avant tout, accompagne ses campagnes militaires contre les Gaulois avec les Commentaires sur la Guerre des Gaules (51), puis sa guerre contre Pompée par ceux sur la guerre civile (44), œuvres qui, sous l'extérieur de chroniques objectives, servent la politique et la personne de César et révèlent un écrivain sobre, précis et efficace. Salluste (87-35) fit davantage œuvre d'historien en tenant compte du contexte social et des causes morales des événements. Il analyse ainsi, dans un style d'un rythme très concis et posé, la conspiration manquée de Catilina en 63 dans sa Conspiration de Catilina, qui donne une autre version des faits que celle de Cicéron, et la guerre qu'entreprend Rome de 111 à 105 contre le roi numidien, Jugurtha, dans la Guerre de Jugurtha. Cornelius Nepos (99-24) n'est qu'un popularisant qui inaugure le genre de la biographie anecdotique et condensée, avec les Vies des grands capitaines des nations étrangères et Vie de Caton l'Ancien.

L'œuvre de Salluste marque un progrès par rapport à ses prédécesseurs, les annalistes, tant pour la force narrative que pour la méthode historique : il s'efforce d'expliquer les causes des événements politiques et les motivations des acteurs de l'histoire. Il a certes ses faiblesses : la chronologie et la géographie sont imprécises et souvent fautives ; il n'est pas impartial : il prend parti pour les populares aux dépens des nobiles. Il est cependant capable de reconnaître les mérites de ses adversaires et les défauts de ses amis. Ses personnages sont peints avec force, tout particulièrement Jugurtha et Catilina, Marius et Sylla.
Les critiques antiques ont relevé les caractéristiques de son style : l'usage des archaïsmes et des néologismes, une concision proche de l'obscurité, des tournures grecques. On peut déceler chez S. un certain pessimisme psychologique.
S. fait preuve d'une sévère puissance d'expression, mordante et agressive. Imitant Thucydide, il a tendance à généraliser les événements. Archaïsme et rhétorique, assymétrie et antithèse, dramatisation des événements politiques, caractérisent sa plume. De Caton l'Ancien il a consciemment imité le style robuste et archaïque. (– Encyclo. Britannica)

  • Sources et postérité :
- Rénovateur de l'historiographie latine, il a pris modèle sur deux illustres prédécesseurs : Thucydide et Caton le Censeur.
- Il a influencé les historiens postérieurs, notamment Tacite.

  • Éléments biographiques :
- 86 → - 35 Historien romain, l'un des grands stylistes latins.

Issu d'une famille libre de souche plébéienne, obscure, mais probablement aisée, questeur en -55, tribun de la plèbe en -52, il soutient le parti des populares, soutenus par Jules César et Pompée, contre les optimates, de Titus Annius Milon et Cicéron, auquel il s'attaque ouvertement. Lors du procès des meurtriers de Clodius Pulcher, chef des populares, il prend ouvertement parti contre Milon, accusant ce dernier d'avoir tué Clodius de ses propres mains.
Ami de Jules César, il est chargé de mener la flotte romaine en Illyrie. Salluste est alors exclu du Sénat romain pour immoralité en -50. Il est battu par les pompéiens (-49).
De nouveau questeur, Salluste peut réintégrer le Sénat. César lui confie un commandement en Campanie, dont les légions se sont mutinées. Il y est battu.
Le domaine politique lui convient mieux : élu préteur en -47, il accompagne César en Afrique et, par ses talents, se voit confier le gouvernement de la nouvelle province romaine de Numidie (-46 – -45).
Après l'assassinat de Jules César en mars -44, voyant que la carrière politique se termine irrémédiablement, Salluste préfère se retirer de la vie publique et « profiter de la fortune que ses concussions lui avaient procurée » (Salluste, Les Belles Lettres, préface p. 12.)

Auteur de trois grands ouvrages, dont seulement deux nous sont parvenus entièrement.
- Autres œuvres : - La Guerre de Jugurtha : rapporte une guerre de Rome en Afrique du Nord
- Histoires : très incomplètes, elles traitent de l’histoire de Rome entre la mort de Sylla (-78) et la victoire de Pompée contre les pirates (-67).

  • Contexte historique :
  • L'oeuvre apparaît en -44, soit 19 ans après les événements relatés (-63).
  • S. soutient et sert militairement Jules César, meurt quelques années après l'assassinat de ce dernier.
  • Relation conflictuelles avec les nobles (parti des optimates), Cicéron et Pompée.

  • Structure :
-

  • Enjeux et portée de l'œuvre :
Récit de la tentative de révolution mise en œuvre par Catilina en l'an 63 avant Jésus-Christ.

S. envisageait l'histoire de la Rome comme celle d'une dégénérescence, qui aurait commencé après la destruction de Carthage en l'an 146 avant Jésus-Christ.

-

  • Citations :
« Omnis homines, qui sese student praestare ceteris animalibus, summa ope niti decet, ne vitam silentio transeant veluti pecora, quae natura prona atque ventri oboedientia finxit. Sed nostra omnis vis in animo et corpore sita est: animi imperio, corporis servitio magis utimur; alterum nobis cum dis, alterum cum beluis commune est. » (Incipit)

« Omnes homines, patres conscripti, qui de rebus dubiis consultant, ab odio, amicitia, ira atque misericordia vacuos esse decet. » (LI.1)
Il sied à tous les hommes, ô sénateurs, qui délibèrent de sujets douteux, de ne subir l'influence ni de la haine, ni de l'affection, ni de la colère, ni de la pitié.



Sources : Wikipedia.fr – Encyclopaedia Britannica – Préface de l'édition bilingue « Budé » de la Conjuration de Catilina de Salluste, de la Collection des Universités de France.

mercredi 7 mai 2014

Platon, Gorgias

Fiche d'œuvre
*
Gorgias
Platon


  • Date de parution : vers 380 avant Jésus-Christ.
Sans doute peu après la fondation la fondation de l'Académie (387-386)

  • Genre : Dialogue philosophique
Comme presque toute son œuvre.

On a pu mettre en rapport Platon avec Hérodote et Thucydide pour comparer leurs positions au sein de la pensée et de la culture grecques. (Tous trois reçoivent la qualité de prosateur de la part de Polybe (-200 - -118), le plus grand historien grec de son temps.) Comme ces deux écrivains, Platon s'intéresse en premier lieu aux affaires humaines et à la politique, même s'il est loin de faire œuvre d'historien comme eux de traiter de philosophie.
Contrairement aux deux historiens, Platon cherche ce qui est toujours, alors que Thucydide et Hérodote écrivent sur des réalités dont ils savent qu'elles sont vouées à la destruction. Ainsi, bien que Platon partage avec eux le souci d'éclairer le devenir, ce souci ne conduit pas aux mêmes méthodes d'investigations du monde sensible, ni aux mêmes causes explicatives. C'est dans les deux cas le même amour du savoir qui pousse ces trois prosateurs dans leur enquête sur le devenir. Pour Platon, la politique est la compétence philosophique par excellence.

  • Sources et postérité :
- Il reprit le travail philosophique de certains de ses prédécesseurs, notamment Socrate et des présocratiques (Parménide, Héraclite et Pythagore), afin d'élaborer sa propre pensée qui explore des domaines variés, notamment la métaphysique, l'étique, l'esthétique et la politique.

- Aristote, Epicure ou les Stoïciens, développèrent une critique plus ou moins systématique de l’éthique, de la théorie de la connaissance, ou de la philosophie politique de Platon.
- Plotin et les Pères de l’Église n’ont pas manqué de voir en Platon un philosophe, quasi divin (Plotin), ou, en tout cas, une source d’inspiration importante.
  • Éléments biographiques :
-428 - -348

D'une famille importante et aisée, Platon est le petit-neveu de Critias et le neveu de Charmide, tous deux du Conseil des Trente Tyrans, un régime de terreur imposé par Sparte pendant neuf mois, à partir de -403, à la fin de la guerre du Péloponnèse.

D'une grande richesse de style et de contenu, l’œuvre platonicienne produit, sur de nombreux sujets, les premières formulations classiques des problèmes majeurs de l'histoire de la philosophie occidentale. Chaque dialogue de Platon interroge un sujet donné. Sa pensée n'est pas monolithique : certaines œuvres aboutissent à des apories (contradiction insoluble dans un argument) philosophiques, et ceux qui apportent une solution aux problèmes posés ne constituent pas une réponse unique et définitive.

Platon aurait écrit 35 dialogues. On les classe souvent de la façon suivante :
  1. dialogues de jeunesse : tous les dialogues qui ne sont pas dans les deux suivants ;
  2. dialogues de maturité : Phèdre, Parménide, République, Théétète ;
  3. dialogues de vieillesse : Lois, Philèbe, Sophiste, Politique, Timée, Critias.
Dialogue de jeunesse, le Gorgias pousuit les thèmes abordés dans l'Euthydème et le Ménon (éthique et politique).

  • Contexte historique :
- Disciple de Socrate, il ne fut pas présent lors de sa mort mais dut fuir pour se protéger lui-même.
- Contemporain de : Hérodote, Thucydide, Socrate, les sophistes, Aristote et Démosthène.
Il vit : l'empire athénien (“siècle de Périclès”), la guerre du Péloponnèse et la démocratie athénienne et des sophistes qu'il critiqua vigoureusement.
- Avant lui : les guerres médiques
- Après lui : les conquêtes d'Alexandre le Grand.

Chronologie au temps de Platon 1

431 - 404 Guerre du Péloponnèse
429 Mort de Périclès
428/427 Naissance de Platon
421 La paix dite « de Nicias »
415 - 413 Expédition de Sicile (Alcibiade athénien, contre Nicias, part à la rescousse de Ségeste en Sicile.)
414 Alicibiade condamné pour sacrilège ; il rejoint Sparte.
412 L'empire athénien s'effondre.
411 1ère révolution oligarchique : les « Quatre Cents » cooptés se substituent à la boulè des cinq cents tirés au sort ; elle dresse le catalogue des « Cinq Mille » citoyens, désormais seuls détenteurs des droits civiques. Trouble et terreur à Athènes. Nouvelle défaite contre la flotte péloponnésienne amène la restauration de la démocratie, en 410.
408 Carthage reprend la Sicile, défendue par Denys, tyran de Syracuse.
407 Alcibiade se fait élire stratège.Athènes subit une terrible défaite. Alcibiade s'exile définitivement.
404 Capitulation d'Athènes. Réaction antidémocratique à Athènes. Lysandre et sa garnison spartiate imposent le régime de terreur et d'exception des « Trente », au sein desquels s'opposent Théramène le « modéré » et le très expéditif oncle de Platon : Critias (460-403). Le démocrate Thrasybule s'empare du Pirée et oblige les Trente à la fuite. La démocratie est rétablie sous le gouvernement des modérés influencés par Théramène.
400 Sparte rompt avec le Grand Roi. Guerre en Asie mineure.
399 Procès et mort de Socrate. Début plausible de l'activité littéraire de Platon.
388/387 Platon voyage en Italie du Sud (rencontre d'Archytas de Tarente, philosophe phythagoricien et stratgèe) ; puis à Syracuse, auprès de Denys Ier.
387 De retour à Athènes, Platon fonde l'Académie.
386 La paix d'Antalcidas met fin au conflit des Perses et de Sparte.
378 Sparte perd l'hégémonie par la deuxième Confédération maritime, un siècle exactement après la première.
376 Athènes maîtresse de la mer Egée.
367/366 Platon retourne à Syracuse à la demande de Dion, pour encourager Denys II à mener une vie philosophique. Il échoue.
361/360 Troisième et dernier voyage de Platon en Sicile auprès de D.II pour la même chose.
359 Philippe devient régent du royaume de Macédoine.
347/346 Platon meurt.
346 Paix dite « de Philocrate » entre le Roi de Macédoine et les Etats grecs.

  • Structure :

  1. Dialogue avec Gorgias : Définition de la rhétorique
    - ouvrière de persuasion
    - mais non une technique ; au contraire il s'agit d'un parasitisme.
  2. Dialogue avec Polos : L'inutilité de la rhétorique
    - la thèse paradoxale de S. : Commettre l'injustice est pire que d'en être victime,
    et ne pas être puni est pire que de subir son châtiment
    - Différence entre ce qu'on veut et ce qui nous plaît
    - le cas Archélaos
    - qu'est-ce qu'une réfutation ?
    - Preuve de la thèse paradoxale de S.
    - conclusion : l'inutilité de la rhétorique
  3. Dialogue avec Calliclès : La vie la meilleure
    - critique de l'intempérance
    - le pouvoir dans les affaires de la cité
    - la vie selon le plaisir défendue par Calliclès
    - argument contre : 1 - définition du plaisir, 2 - contrariété des vertus et de leurs contraires
    - analyse des plaisirs et recherche d'une compétence technique adéquate à la vie bonne
    - Calliclès rompt l'entretien : monologue socratique sur l'ordre et la convenance de l'âme bonne
    - application de l'hypothèse psychologique à la vie en cité
    - le mythe eschatologique
  • Personnages :
Socrate : n'a pour fin que de trouver la vérité et de la partager, tout en visant et en faisant l'éloge d'une vie juste et bonne.
Calliclès : Oligarque (homme politique)
Gorgias : enseigne à ses élèves la rhétorique, « l'art de bien parler », qu'il affirme être le meilleur de tous les arts exercés par l'homme. Sophiste (enseignant et orateur) né vers 483. « Dans le corpus platonicien, Gorgias est davantage présenté comme un rhéteur que comme un sophiste, notamment parce qu'il ne semble pas avoir prétendu pouvoir enseigner la justice [...]. Il incarne surtout aux yeux de Platon, ce qui est cette fois le trait commun aussi bien à la rhétorique qu'à la sophistique, la défense la plus vigoureuse de l'apparence ou de l'illusion en lieu et place de la vérité. »2
Polos : Disciple de Gorgias, auteur de nombre d'ouvrages mentionnés au cours de différents dialogues de Platon. « Dans le Phèdre comme dans le Gorgias, Polos est discrédité comme un pâle imitateur de son maître. L'intérêt de sa présence ici est évidemment d'accuser le lien entre une forme de réflexion sophistique sur le discours (celle de Gorgias) et l'usage politique qu'elle peut fonder (chez l'oligarque Calliclès). Polos joue ainsi le rôle d'intermédiaire entre le théoricien de la rhétorique et le politique qui, formé par un Polos, fait un usage déplorable des recettes apprises. »3

  • Sens et portée de l'œuvre :
Ethique et politique
En partant du thème de la rhétorique, Platon traite finalement des conditions éthiques de la direction des affaries de la cité ainsi que du meilleur mode de vie.
« Le Gorgias veut être le protocole éthique d'un engagement politique : il débat donc les conditions du gouvernement de soi et des autres. » (Ed. Des Belles Lettres, 4e de couverture)
« Dans le Gorgias, […] Platon poursuit les recherches éthiques (Qu'est-ce que la vertu ? Quelles sont ses espèces et comment les acquérir ?) et politiques (Comment bien vivre dans un cité ? Quelles sont les conditions requises afin d'y exercer le pouvoir ?) qui occupaient déjà l'Euthydème et le Ménon. » (Introduction au Gorgias, J.-F. Pradeau, Edition des Belles Lettres, « Budé »)

Le Gorgias illustre la recherche socratique d'une science du bien. 

Méthodes de conduite du raisonnement :
- méthode des conséquences, qui consiste à examiner et à éprouver toutes les conséquences d'une hypothèse ;
- méthode de division, qui consiste à diviser l'objet que l'on cherche à définir, en procédant à l'analyse des espèces et des différences qu'il contient.

Le Bien, le Beau et la théorie des Formes
Platon est l'inventeur de la théorie des Formes, qu'on appelle plus communément la théorie des Idées : celle-ci interprète le monde sensible comme un ensemble de réalités participant de leurs modèles immuables. La Forme suprême est, selon le contexte, tantôt le Bien, tantôt le Beau. La philosophie politique de Platon considère que la Cité juste doit être construite selon le modèle du Bien en soi.

  • Citations :
Favorinus disait de Lysias et de Platon : « Modifiez, ou supprimez une expression dans le discours de Platon ; si adroitement que vous fassiez ce changement, vous altérerez l'élégance : faites la même épreuve sur Lysias, vous altérerez la pensée. » (Aulu-Gelle, Nuits attiques, L1, ch.V)

  • Thèmes principaux et motifs :
Pouvoir et justice : Surtout le dialogue avec Calliclès (481b-491d)
Le choix d'une vie juste


Sources : Wikipedia.fr – Encyclopaedia Britannica – Gorgias, Les Belles Lettres, Introduction de J.-P. Pradeau.
1Tirée des notes critiques de J.-P. Pradeau in Gorgias, édition des Belles Lettres, « Budé »
2 Notes critiques de J.-.P. Pradeau, Gorgias, Ed. Les Belles Lettres, « Budé »
3 Idem.

Homère, L'Odyssée (chant IV)

Fiche d'œuvre
*
L'Odyssée, chant IV
Homère


  • Date de parution : IXe – VIIIe siècle av. J.-C.

Coupe retrouvée à Pitecusa, datée 732-720, portant une ce qui ne peut être qu'une citation de l'Iliade.
  • Genre : Epos – Epopée
La poésie dans une culture orale doit retenir l'attention par divers moyens tels la figuration paratactique ou hypotaxique. Spectacle de type mimétique.

  • Genèse et sources :
Tradition orale : à la « théorie de la dictée » (A. B. Lord) s'oppose le modèle « évolutionniste » qu'il faut lui préférer : « la diffusion [orale] du texte, [affirme G.Nagy,] aurait conduit progressivement […] à un statut toujours plus stables dans ses modèles de recomposition, jusqu'à atteindre une phase « relativement statique », qui a pu durer de la fin du VIIIe au milieu du Vie siècle, date à laquelle les poèmes avaient puet-être atteint un état quasi textuel (near-textual) dans le contexte des exécutions (performances) des rhapsodes aux Panathénées d'Athènes. »1

  • Contexte historique :
Oeuvre née dans une société orale. Miroir d'un monde réel historique ? Ithaque ? Le monde mycénien ?

  • Structure :
La Télémaquie :
  • Chant I : Ithaque – La visite d'Athéna, qui lui conseil d'effectuer un voyage pour : 1) s'enquérir d'Ulysse, 2) « acquérir un bon renom parmi les hommes »
  • II : Ithaque – Télémaque organise le voyage, malgré les prétendants.
  • III - IV : Voyage de T. chez deux rois anciens compagnons d'U. à la guerre de Troie : Nestor, roi de Pylos, et Ménélas, roi de Sparte, en quête de conseils et d'informations sur le destin de son père.

Structure du chant IV :
Points communs avec le chant III :
- Accueil de T. par son hôte (Ménélas), qui l'informe sur U. et évoque la guerre de Troie.
- T. passe la nuit au palais et repart le lendemain

Points divergents du chant III :
Chant III
Chant IV
Trajet par la mer avec Athéna (Mentor)
Trajet en char avec Pisitrate
Hôte trouvé sur la plage sacrifiant
Hôte dans son palais
Sacrifice (et conversation)
Ne rentrent au palais que pour dormir
Arrivent directement au palais merveilleux

Personnages du Chant IV (par ordre d'importance) : [Ulysse – en filigrane, souvent sous-entendu], Télémaque, Ménélas, Hélène, Etéoneus, Pisistrate.

En effet, U. est présent malgré son absence physique : Télémaque est avant tout fils d'Ulysse, Ménélas peut apparaître comme un « U. en mode mineur » (voir ci-dessous 'Thèmes et principaux motifs'), Etéoneus s'analyse comme un faire-valoir de M. qui lui-même joue ce rôle pour U., Pisitrate fait ressortir Télémaque par ses paroles, U. est la raison d'être du voyage en lui-même et le sujet de la plupart des entretiens.

  • Sens et portée de l'œuvre :
Poèmes envisagés comme poésie orale, « encyclopédie de la Grèce », instrument de la paideia archaïque, de la transmission de la culture dans une société orale.
L'éducation à ces valeurs (qui se faisait à travers la poésie) peut se résumer (Werner Jäger) au concept d'aretê (c.f. Virtus des poètes dits 'anciens' (Ennius) de la littérature latine).

Aretê : « Être le meilleur toujours, surpasser tous les autres. » Pélée à Achille (Il. XI)
(→ Inciter à la vengeance) Devenir un agathos
  1. Force physique (biê) : pour se venger et restaurer son honneur (timê) et son statut social
  2. Courage : ne pas craindre la mort mais uniquement la mort sans gloire (akleos)2
  3. Parole convaincante (metis) 3
  4. Beauté : Doit être lié à la vaillance : kaloskagathos (beau et valeureux, honnête homme). Concept qui restera jusqu'à l'âge classique (Platon). Lié à la divinité.


Souligner la différence entre le héros classique antique (Léonidas) et le héros homérique (Achille, Ulysse, Agamemnon, Ajax / Anti-héros : Thersite (rustre, lâche, laid), Pâris (beau mais sans vaillance, ne sait pas se venger => a les apparences d'un héros (beauté) sans l'être réellement (vaillance, force). Voir les lamentations d'Hélène (Il., VI) sur son amant qui ne combat pas : Faute de s'accompagner de vaillance, la beauté de Pâris devient une tare.) :
Alors que le héros classique se dévoue pour sauver la patrie, pour le bien commun (Thermopyle), le héros homérique meurt pour lui, afin que son nom ne soit pas oublié, pour la gloire qui va rejaillir sur son nom et sur les siens.
Mais H. ne se bornait pas à transmettre des valeurs et des règles de conduite générales. Il présentait également des informations techniques (le radeau construit par U. pour quitter l'île de Calypso (V), le sacrifice de Nestor à Athéna (III), la description des rites d'hospitalité (I, III, IV, VII, etc.), les règles pour le partage du butin (Il., I) ). → D'où citation d'Aristophane (voir ci-dessous, 'Postérité')
Sens et portée du chant IV :
Affirmation des valeurs fondamentales de la culture homérique : hospitalité, contribution à la définition du héros homérique.


L'hospitalité homérique


Les variantes à la scène typique d'hospitalité dans le chant IV :
1) Accueil non par le maître directement : d'où enjeux :
  • conception de l'hopsitalité dans le monde homérique révélée
  • détermination de la construction de l'identité de Télémaque et de Pisitrate
La maladresse d'Etéoneus : d'où insulte (pour la 1ère fois entre des personnages de rangs différents)
qui fait d'E. un faire-valoir de Ménélas → qui devient donc un hôte irréprochable.
=> Affirmation des valeurs fondamentales de l'hospitalité


2) Explicitation du traitement des chevaux et du char :
  • serviteurs nombreux → d'où richesse de Ménélas.
  • Soin → d'où bonne hospitalité, car le soin est une composante de l'hospitalité


3) Description du palais (v.43-46), insistance sur l'étonnement admiratif des visiteurs et mention d'un « éclat comme lune ou soleil » (v. 45).
→ M. fabuleusement riche.
La splendeur de son palais a quelque chose d'extraordinaire. A rapprocher du palais d'Alkinoos (ch. VII) qui reprend la même formule au vers 84-85.

Eléments habituels :
Entrée de la demeure (v.43), description (v.43-46), traitement accordé aux étrangers : toilette (v.47-51) et repas (v. 52-67). (Les vers 48-55 sont les plus typiques (formules très fréquentes : voir le ch. I ou chez Circé).) Echange direct avec le maître de maison. On ne demande l'identité de l'étranger qu'après le repas.


  • Postérité :
Aristophane : Homère a reçu « honneur et gloire » en raison de « ses bonnes leçons de tactique, de vertus et d'armements militaires. » (Les Grenouilles, 1034 - 1036)

Giovan-Battista Vico : Homère, « premier historien de tout le monde païen qui nous soit parvenu. » (Homère 'éducateur de l'Hellade' – Eva Cantarella)

  • Thèmes principaux et motifs :
  • Aretê : Force, courage, parole, beauté (liée à divinité)

  • Hospitalité : Element important de la culture du monde homérique. Voir le concept de la « scène typique d'hospitalité » (The Stranger's Welcome, S.Reece, 1993)

  • Vengeance : Lié à la force. L'aretê : « Être le meilleur toujours [à] surpasser tous les autres. » Pélée à Achille (Il. XI) → Inciter toujours à la vengeance, pour restaurer son honneur (timê). Ainsi, Athéna (I) et Nestor (III) poussent Télémaque à venger son père à l'instar du vaillant Oreste. L'exemple de Pâris : Qui ne sait pas se venger est indigne de l'amour d'une femme.

  • Les Trois Péchés du guerrier (G.Dumézil) ? : souveraineté (fonction religieuse et politique) – guerre – abondance, fécondité (fonction artisanale). C.f. Les trois péchés d'Hercule.

  • Ménélas : un « U. en mode mineur » : car long périple également hors du monde normal (relaté à deux reprises dans le chant (IV, 351-386) ; richesses accumulées lors des escales sur la route du retour.

  • L'Importance du rapport entre U. et T. qui s'instaure au cours du chant IV :
    Ainsi, les larmes de T. (ch. IV) annoncent ou font écho aux larmes d'U. (deux fois au ch. VIII), qui se situent avant celles de T. historiquement mais qui sont relatées après dans l'oeuvre.
    Grande différence : U. pleure sur ses propres malheurs et ceux de ses compagnons.
              T. pleure en entendant évoquer son père.
Il en ressort la centralité du personnage d'Ulysse.

  • Le Personnage d'Hélène : Il évoque un fort bagage intertextuel.
    Chez Homère, Hélène est une femme adultère repentante qui se dévalorise elle-même (voir l'Iliade, la « teichoscopie », III, 180 : face de chienne, kynôpidos, comme ici aussi, v.145).
    Le chant IV de l'Odyssée est l'occasion de montrer Hélène et Ménélas réunis et paisibles, Hélène en parfait maîtresse de maison, ce qui redouble la fortune extraordinaire de M.
    Sa prise de parole spontanée est inhabituelle et souligne le thème de la ressemblance frappante entre T. et U.
    Comme M., Hélène est porteuse d'une parole qui réactive la mémoire.
    Dans La guerre de Troie n'aura pas lieu, Jean Giraudoux présente Hélène comme une séductrice, refusant de repartir de Troie. Ses volontés profondes restent inexprimées, hormis son désir des hommes.

  • Le Personnage de Télémaque :
    - Silence pour se montrer jeune prince, sage et avisé (v.159) : correspond à l'usage social
    - La scène de reconnaissance est rendue possible par le déroulement habituel de la scène d'hospitalité
    - Indices de son identité : 1) son apparence noble, 2) les larmes de Télémaque.

1Introduction à l'Odyssée d'Homère, ch. I à VII, par Eva Cantarella, Editions des Belles Lettres, « Budè »
2Voir la plainte de Pénélope à la fin du chant IV.
3 Phénix avait fait d'Achille « un bon diseur d'avis, un bon faiseur d'exploits » (Il., IX). Ulysse n'est pas par hasard le meilleur des mortels « en calculs et discours » (Od., XIII)

Canova, Psychée ranimée par le baiser de l'Amour

Fiche d'œuvre
*
« Psychée
ranimée par le baiser de l'Amour »
Antonio Canova


  • Date de parution : 1787-1793
Donné au Musée du Louvre à Paris en 1824.

  • Genre : Sculpture sur marbre
Mouvement néoclassique

  • Sources d'inspiration et postérité :
- Canova rappelle un mythe de Platon, rapporté par Apulée (IIe siècle) dans Les Métamorphoses, celui de Psyché (fille d'un roi, dont le nom, en grec ancien signifie âme) d'une extraordinaire beauté au point d'effrayer tous ses prétendants. La déesse de l’amour Aphrodite/Vénus, folle de jalousie, envoya son fils Éros/Cupidon (dieu de l’Amour) planter une flèche dans le cœur de la jeune femme pour la rendre amoureuse du mortel le plus laid et le plus méprisable qui soit. Éros tombe éperdument amoureux de la belle dès qu'il la voit et entame une relation amoureuse avec elle dans un somptueux palais en lui faisant promettre d'ignorer son identité. Elle brave l'interdit par curiosité et Éros s'enfuit.
Elle est endormie par un parfum magique d'Aphrodite dont seul l'amour peut annuler l'effet. Éros sort sa bien-aimée de ce sommeil magique par un baiser et l'œuvre les représente au moment où la jeune fille revient à la vie. Ils se marient et ont une fille, Volupté.
- Statuette, trouvée à Pompéï, représentant Psychée et l'Amour comme deux enfants debout et enlacés.
- L'oeuvre de Canova a fait l'objet de plusieurs études de Mario Praz
- Si Canova refusait d'avoir des élèves, il fut souvent imité de son vivant et après sa mort.
Cependant, en tant qu'artiste officiel, il a connu une certaine désaffection liée à l'entreprise de glorification des Napoléonides. Ainsi, contrairement au jugement de Quatremère de Quincy, David d'Angers qui subit son influence dans sa jeunesse, critique la mollesse de ses œuvres et refuse de voire en lui le continuateur des grecs. David d'Angers, Rude, Barye ou Daumier n'ont pas suivi Canova, mais en on pris le contre-pied.

- Plusieurs copies de cette œuvre furent réclamées, dont une est conservée au musée de l'Ermitage de Saint-Petersbourg.
  • Éléments biographiques :
1757-1822
Sculpteur et peintre italien de Venise. D'une famille de tailleurs de pierre, il apprit à travailler le marbre dès son plus jeune âge. Après avoir remporté plusieurs prix à l'Académie des beaux-arts de Venise, il y donna successivement plusieurs ouvrages qui le mirent bientôt au premier rang des sculpteurs modernes, et dans lesquels il sut allier l'imitation de la nature avec les beautés idéales de l'antique. Il étudia l'art antique et sculpta, tout au long de sa vie, diverses statues inspirées de la mythologies grecque et romaine, ainsi que des cénotaphes, des bustes et des statues en pied de divers personnages célèbres de l'époque dont Napoléon Bonaparte. Il est renommé pour la délicatesse de ses sculptures sur marbre. Son œuvre est considérée comme l'archétype de la sculpture néoclassique.

  • Structure :
La construction en X a deux effets principaux : 
- Elle engendre un mouvement vers le haut qui passe par les ailes, symbole de l'éternité. Le retour et l'ascension de Psychée est ainsi représenté de façon très vive.
- Elle place le baiser imminent de deux personnages au centre de la scène et de l'intérêt de l'observateur. Il y a donc glorification de l'amour, qui vainc la mort et l'interdit.
  • Sens et portée de l'œuvre :
Célébration de la beauté idéale exprimée par l'Antiquité classique.