Fiche d'œuvre
*
L’Odyssée
Homère
- Epoque :
- Vie de Homère : au IXème ou VIIIème siècle av.
J.-C. ?
-
Attribution du texe à Homère (avec l’Iliade)
: VIème
siècle.
- Fixation du texte : VIème siècle
- Division en chants : époque alexandrine
- Genre : l’Επος
-
De ειπειν (inf. aoriste) = « dire », latin vox,
« voix,
ton, parole ».
Sa
finalité culturelle :
la construction et la représentation narrativisée des valeurs
fondatrices d’une société, en particulier
ce que les Modernes appellent sa
« mythologie ».
Sa forme prosodique : L’hexamètre
dactylique :
-
Schéma de scansion général : – uu
/ – uu / – uu
/ – uu / – uu
/ – u
- Un vers = 6
pieds (ou mesures) de deux brèves (ou temps) chacun.
- Types de pieds
:
- un dactyle = – uu
- un spondée = – – (rarement en pied 5)
- Comment
déterminer la valeur d’une syllabe :
- Brève = v.(voyelle) + 1 cs.(consonne)/pct°(ponctation) : l’υ dans : νυν ανηρ
- Longue = v.+ 2 cs. : νυν δε
- Une voyelle
finale tombe (= n’est pas prononcée et on n’en prend pas compte
pour la scansion)
si le mot
suivant commence par une voyelle (pour éviter un hiatus).
- Types de
césures (coupes notées //), le plus souvent à l’intérieur d’un
pied :
- trochaïque : au troisième pied, qd il est dactylique, après la 1ère brève :– uu / – uu / – u // u / – uu / – uu / – u
- penthémimère : après le cinquième demi-pied :– uu / – uu / – // uu / – uu / – uu / – u
- hephtémimère : après le septième demi-pied :– uu / – uu / – uu / – // uu / – uu / – u
- bucolique : avant les deux derniers pieds (assez peu courante chez Homère) :– uu / – uu / – uu / – uu // – uu / – u
- coupe dans le premier pied (peu habituel) :– u // u / – uu / – uu / – uu / – uu / – u
- Système
mélodique : modulations tonales (écart de quinte, environ)
qu’essaient de reconstituer Philippe Brunet et Stephen Daitz, entre
autres.
- Figures
poétiques à noter :
- polyptote : répétition de termes fondés sur la même racine :ex. : πολυτροπον et πολλων (v.1 et 3 de L’Odyssée)
La
langue homérique :
- Une production improvisée, tirée de formules
traditionnelles, des vers dits formulaires. (Voir Milman Parry,
L’épithète traditionnelle chez Homère, 1928)
- Une langue déjà archaïque au VIIIe siècle
av. J.-C. et davantage encore au moment de la fixation du
texte, au VIe siècle
av. J.-C.
- Vers formulaires, comparaisons,
composition annulaire (dont chiasme), scènes typiques
- Contexte littéraire et postérité :
-
Livres :
- Apollonios de Rhodes (IIe siècle avant J.-C.), Les
Argonautiques → Jason et la
toison d’or
- Virgile (fin du Ier siècle avant J.-C.), L’Enéide → L’histoire d’Enée, survivant troyen
- Dante (début du XIVe siècle), La Divine Comédie → Nekuia étendue
- Fénelon, Les aventures de Télémaque
(1699) → Réécriture de T. à la recherche de son père
- Goethe, Nausikaa
(1787) – Pré-romantisme →
Sujet éponyme
- Jean Giono, Naissance
de l’Odyssée (1921)
- James Joyce, Ulysses
(1922)
- Aragon, Les
aventures de Télémaque (1922)
- Jean Giraudoux, La
Guerre de Troie n’aura pas lieu (1935)
- Arts plastiques :
- Arnold Böcklin, Ulysse
et Calypso (1883)
- Peter Paul Rubens, Ulysse
et Nausicaa (1619)
- Turner, Ulysse et
Polyphème (1848)
- Picasso, Ulysse et
les sirènes (1946)
- Chagall, série de
lithographies pour L’Odyssée (1974)
- Arts du spectacle :
- Opéra baroque : Claudio
Monterverdi, Il ritorno d’Ulisse in patria (1641)
→ νόστος
- Danse contemporaine : J.-C.
Gallotta, Ulysse (1981)
- Péplum : Mario Camerini,
Ulisse (1954)
- Cinéma d’auteur :
Joel&Ethan Cohen, O Brother, Where Are Thou ? (2000)
- Éléments biographiques :
Homère
:
-
étymologie
: signifie « otage » ou « celui qui
est obligé de suivre »
- est réputé avoir été un aède1
aveugle de la fin du VIIIème siècle av. J.-C.
Autres
oeuvres du même auteur : On attribue également à Homère :
-
deux poèmes comiques: Batrachomyomachie (« bataille
des grenouilles et des rats ») et Margitès - les
poèmes des Hymnes homériques.
- Personnages principaux :
-
Ulysse
-
Athéna
-
Télémaque
-
Pénélope
-
les autres dieux
Athéna
Pénélope Télémaque Ulysse les prétendants
Poséidon Calypsô
Hermès
Nausicaa
les
compagnons
le Cyclope Circé
Zeus … les Phéaciens Eumée …
les Sirènes
etc.
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- Indications narratologiques / Structure et intrigues :
I Visite
d’Athéna à Télémaque (T.)
II
Débats à Ithaque
III T.
chez Nestor
IV T.
chez Ménélas et Hélène
V Ulysse (U.) chez Calypso
VI U. échoue chez les Phéaciens –
Rencontre Nausicaa.
VII Le palais d’Alcinoos
VIII Les jeux Phéaciens
IX Lotophages et Cyclopes
X Escale chez Eole – les Lestrygons –
Circé
XI La Nekuia (visite à Hadès)
XII Circé (2) – Les sirènes – Pierres Planktes – Scylla et Charybde – L’île du soleil
XII Circé (2) – Les sirènes – Pierres Planktes – Scylla et Charybde – L’île du soleil
XIII U. à Ithaque
XIV Chez Eumée
XV Retour de T.
XVI U. rencontre T.
XVII U. en ville et mendiant au festin
XVIII U. mendiant (lutte)
XIX U. reconnu par Euryclée
XIX U. reconnu par Euryclée
XX Préparatifs au massacre
XXI Epreuve de l’arc
XXII Massacre des prétendants
XXIII Retrouvailles avec Pénélope
XXIV Paix retrouvée
- Légende :
Vert
= Télémaque héros
Rouge = Ulysse héros ds un récit hétérodiégétique
Bordeaux
= Ulysse héros ds un récit homodiégétique
Cicones puis tempête Prétendants
Lotophages Phéaciens
Cyclopes Calypso
Eole (2x) Ile du Soleil
Lestrygons Charybde et Scylla
Circé Circé(2e)
+ Sirènes
Nekuia
|
Le temps : Jusqu’à Circé : 11 semaines ; chez Circé : 1
hivernage ; le reste jusqu’à Calypso : 12 jours puis 1 mois ;
chez Calypso : 7 ans.
|
- Sens et portée de l'œuvre :
-
Evoque la précarité et le succès final des valeurs d’une culture
(ruse (μητις), intelligence, hospitalité, piété, héroïsme
guerrier dans une moindre mesure, amour
de la vie et de la paix, réflexion, mesure (σωφρωσύνε),
résistance...) et remplit donc bien le genre de
l’επος.
-
Erige Ulysse en héros de ces valeurs à travers un parcours
quasi-initiatique.
- Citations :
ἄνδρα
μοι
ἔννεπε,
μοῦσα,
πολύτροπον,
ὃς
μάλα
πολλὰ
πλάγχθη, ἐπεὶ Τροίης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσεν:
πολλῶν δ᾽ ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω.
πλάγχθη, ἐπεὶ Τροίης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσεν:
πολλῶν δ᾽ ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω.
- Thèmes principaux et motifs :
-
Retour : νόστος le
thème principal.
-
Ruse : μήτις,
intelligence. U. en est l’incarnation par excellence.
-
Hospitalité :
Vertu suprême représentant de la civilisation à l’inverse de
l’état de nature. Voir le schéma typique. Voir ces instances de
réception :
- Athéna par T.
- les prétendants par T. (=> mauvais convives)
- T. par Nestor
- T. par Ménélas
- U. par Phéaciens
- U. par lotophages (=> mauvais hôtes)
- U. par cyclopes (=> mauvais hôte)
- U. par Eole—première et deuxième fois
- U. par lestrygons (=> mauvais hôtes)
- U. et ses compagnons par Circé—en deux temps
- U. par Circé (2e fois)
- U. par Charybde et Scylla (?) (=> mauvais hôtes)
- les compagnons d’U. sur l’île du soleil (=> mauvais convives => donc la pire faute)
- U. par Calypso
- U. par Phéaciens
- U. mendiant par Eumée
- U. mendiant par prétendants
- U. mendiant par Pénélope
Scène typique d’hospitalité
|
Tiré de The Stranger’s
Welcome, de S.Reece
-
Pouvoir des dieux :
Le récit apparaît beaucoup de leur point de vue. Ils sont
tout-puissants, comme la fatalité. Leurs actes peuvent paraître des
coïncidences aux yeux les mortels.
-
Parole : liée à l’identité. En évolution constante. La
manière dont elle s’organise et se diffuse, la construction des
personnages par son biais. C’est
une épopée de la parole et de l’identité : la (re)découverte et
la (re)formation de soi par la confrontation à l’autre. Le
discours des personnages occupe autant de place que le récit-cadre
=> d’où théâtralité.
Le récit cadre est
le résultat des rapports entre les personnages, de leurs actes et de
leurs paroles (ce que dit
Aristote, à propos de la tragédie, dans sa Poétique, sur
l’intrigue (qu’il appelle μυθος)). Le récit dans L’Odyssée
est donc polyphonique, complexe et contradictoire.
-
Olivier : pique qui
aveugle Polyphème, l’arbuste sous lequel s’endort U. qd il
échoue chez les Phéaciens, le grand arc du concours, lit d’U. et
Pénélope … Ce motif contribue à dessiner le portrait en héros
d’U. Peut rappeler la massue herculéenne, elle aussi en bois
d’olivier.
-
Humanité : Rien
n’est jamais définitivement acquis et complet, même pour le
meilleur.
-
Héroïsme :
L’Odyssée semble
formuler une nouvelle image du parfait héros, fondée sur
l’intelligence et la ruse, qui s’oppose à celle de l’Iliade,
où l’héroïsme d’Achille se construit autour de la mort jeune
du guerrier valeureux. L’héroïsme guerrier d’Ulysse n’apparaît
que brièvement, en particulier dans la scène du massacre des
prétendants (ch.XXII).
-
Tension
nature/culture
: Thème récurrent qui oppose l’humain et le sauvage, monstrueux,
inhumain, chthonien, maritime. Les errances d’U. Sont liées à
cette tension, et sa victoire finale signale une reconquête de la
culture humaine sur ce qui s’en distingue violemment, de la
démesure des prétendants (hybris),
à la violence des monstres de tout ordre ou aux multiples tempêtes.
Culture souvent représentée par l’hospitalité.
-
Tension/communication
entre les trois niveaux principaux de l’épopée
: infernal, terrestre, divin. Communication : prières, sacrifices,
épiphanies, messages divins, prodiges … Et surtout toutes les
situations
intermédiaires,
instables, et les entités hybrides qui les peuplent.
-
Oscillation
constante entre ces 3 micro-sociétés
: fondée sur des systèmes de valeurs variées et cependant
comparables. Cette oscillation
constante
entre le même et l’autre, le semblable et le différent, confère
à ce récit, toujours en mouvement, jusqu’à l’extrême fin, son
pouvoir
de fascination
encore actuel.
-
Dévoration
: Cyclopes, Scylla, Ile du soleil. L’appétit, considéré comme un
instinct animal naturel, est incompatible avec la tristesse.
Péremptoire, il force les personnages à mettre de côté
momentanément leurs afflictions.
-
Dialectiques
proche/lointain, semblable/différent, central/périphérique
: Grèce/au bout de l’Océan, chez Calypso, etc.
1Un
aède était un poète qui chantait, en s’accompagnant de
la lyre ou de la cithare, ses propres compositions, à la différence
du rhapsode qui ne faisait qu’interpréter les œuvres des
autres.
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