Fiche d'œuvre
*
L'Enéide
Virgile
- Date de parution : de 29 à 19 av. J.-C.
(La
composition de cette œuvre était attendue avec impatience par la
sphère politique, et l'auteur fit des lectures publiques des livres
II, IV et VI devant la famille impériale en 23 av. J.-C.)
- Genre : Épopée
Epopées
grecques et latines :
- Les œuvres
d'Homère : L’Iliade et
l'Odyssée
- Les Argonautiques,
d'Apollonios de Rhodes, au IIIe
siècle avant Jésus-Christ (époque hellénistique)
- Le Bellum Punicum,
Naevius, poète épique archaïque du IIe s. av. J.-C.
(- L'Enéide)
- La Pharsale de Lucain
(vers + 61) se distingue très originalement de l’Énéide.
Rejetant toute idée de merveilleux, Lucain s'attache à dépeindre
des événements historiques liés à un passé proche, ceux qui se
déroulèrent durant la guerre civile qui opposa Jules César à
Pompée, à des fins plus esthétiques que réellement historiques.
-
La
Punica,
Silius Italicus (vers +90)
-
La
Thébaïade et
l'Achilléide,
Stace
(vers +50)
Epopées
européennes de l'époque moderne :
-
La Divine Comédie, Dante,
1307-3121 : épopée
- Orlando furioso, Arioste,
1516 : épopée en 46 chants.
-
La
Franciade, Pierre
de Ronsard, 1572 : œuvre inachevée (4 sur 24 prévus), elle
devait constiuer l'histoire chantée de la nation française.
-
Les
Lusiades, Luis
de Camoes, 1572 : œuvre
destinée à raconter et à glorifier la naissance et le destin de la
nation et de l' Empire portugais.
-
Jérusalem délivrée, Le
Tasse, 1581 : épopée, inspirée d'Homère et de Virgile,
surtout pour les parties concernant les combats.
-
Les Tragiques,
Agrippa
d'Aubigné, 1616 : sept
chants ou livres racontant les guerres de religions
-
Virgile travesti, Paul
Scarron, 1648-1653 : parodie de l'Enéide ;
chef-d'oeuvre de la littérature burlesque du XVIIe siècle ;
inachevé.
-
Paradis
Lost, John
Milton, 1667 : 10 puis 12 parties ; traite de la vision
chrétienne de l'origine de l'Homme ; traduit par Chateaubriand
lors de son exil en Angleterre (vers 1793).
-
Le Lutrin, Nicolas
Boileau, 1672-1683 : parodie épique (« poème
héroï-comique »)
-
La
Henriade, Voltaire,
1723 : épopée en 10 chants en l'honneur du roi de France Henri
IV et de la tolérance. Surtout destinée à raviver
l’identité nationale française et véhiculer les valeurs des
Lumières.
-
L'Achilléide, Goethe :
épopée inachevée
- La Légende des siècles,
Victor Hugo, 1859-1883 : D'abord le projet de ces
Petites épopées. Un immense
ensemble destiné à dépeindre l'histoire et l'évolution de
l'humanité.
- Genèse et sources :
- Une légende sémitique bien
connue à l'époque (transmise par l'historien grec Timée (IVe-IIIe
av.J.-C.) puis Justin (Histoires Philippiques au
Iie ou IIIe siècle après J.-C.) ) :
Pygmalion et
Elissa (« divine »), enfants de Mutto, roi phénicien de
Tyr, qui à son décès laisse le trône à son fils et donne sa
fille en mariage à Sicharbas. Pygmalion le fait assassiner pour
obtenir ses trésors, mais Elissa s'enfuit avec eux vers l'Afrique,
ses voyages alors lui apportant le nom de Didon (« l'errante »).
Une peau de bœuf lui permet de fonder un territoire (« Byrsa »
= le cuir). Forcée à choisir ensuite entre la guerre et un second
mariage, elle se suicide par fidélité à son premier époux.
- Une tradition italienne
ancienne (dont on retrouve la trace chez Naevius-IIe siècle av.)
introduit déjà le croisement du mythe de Didon avec la légende
d'Enée.
- Apports et modifications de
Virgile :
1) le remaniement du personnage
de Didon (références à d'autres personnages féminins du
patrimoins mythique, en particulier tragique) pour lui donner une
épaisseur psychologique inédite. Elle est caractérisée par la
beauté (pulcherrima Dido, v.60)
et par l'étendue de son malheur (miserrima Dido, v.117) :
un portrait à la fois contrasté et déchiré.
2)
L'introduction des femmes et de la passion amoureuse dans l'épopée
(=> poètes élégiaques)
3)
Etablissement d'une filiation mythique entre Troyens et Romains,
présentant Enée comme l'ancêtre lointain de la gens Julia (famille
de J.César et d'Octave) par son fils Jule.
- Postérité :
-
Le succès de l’Énéide
fut immédiat et très large. Elle
a donné lieu a des adaptations, des suites et des réécritures en
tous genres. Ainsi, on a fait s'adresser Didon à Énée dans une
lettre désespérée (Ovide, Héroïdes,
lettre VII). Noter vers 1160, le Roman
d'Enéas,
l’un des premiers romans en français. En 1428, Maffeo Vegio écrit
une continuation en hexamètres latins : Aeneidos
supplementum
(supplément à l’Énéide)
ou Aeneidos Liber
XIII
(13e livre de l’Énéide),
très régulièrement inclus dans les éditions de l’Énéide
au cours du XVe et du XVIe siècle. Des épopées très nombreuses se
sont inspirées de l’œuvre de Virgile,
ou
au moins se définissent par rapport à elle.
Voir
la liste d'épopées ci-dessus.
- Dans la littérature latine de
l'époque tardive paraissent des œuvres atypiques comme la
Psychomachie de Prudence qui
inaugurent le genre de l'épopée allégorique. Le poète chrétien
s'inspire d'ailleurs du modèle de Virgile, dont il va jusqu'à
reprendre des vers entiers.
- L'atmosphère nouvelle
apportée par l'introduction du drame passionnel dans la littérature
amorce un mouvement qui prendra de l'ampleur avec l'élégie
augustéenne (Tibulle, Properce, Ovide).
- Éléments biographiques :
- Publius Vergilius Maro :
Origines gauloises ou étrusques ; 70 à 19 av. Jésus-Christ.
- Bucoliques (genre
bas) : imitées des Idylles de
Théocrite – Met en scène des bouviers, dans un cadre pastoral,
échangeant sur la poésie et l'amour.
- Géorgiques (genre
moyen) (37-30 av.) : traité d'agriculture, poésie didactique,
éloge de la culture de la terre, rencontre les grandes lignes de la
politique augustéenne (restauration de l'unité nationale fondée
sur le retour à la terre, retour à la pratique des vertus
ancestrales. Comme le laboureur, chacun doit consacrer sa vie au
bonheur de la collectivité et à la fructification des ressources de
la terre.
- Enéide (genre
élevé) : grande œuvre nationale épique, restée inachevée.
- Contexte historique :
-
Oeuvre commencée au
lendemain de la bataille
d'Actium (-31) :
victoire d'Octave sur Antoine.
- La période augustéenne :
nouveau régime politique, le principat (-27) = fin de la
République et début du Haut-Empire.
Octave => 1) Augustus :
héritant d'un pouvoir moral, sacré et religieux ; 2)
Imperator : chef
des armées ; 3) Princeps :
1er citoyen.
Politique
extérieure : consolidation de l'Empire (pacification du climat)
Politique
intérieure : restauration des mœurs traditionnelles (contre la
désagrégation des familles, la baisse de la natalité dans les
familles aristocratiques et l'émancipation des femmes ;
pénalisation des divorces par des amendes lourdes ;
reconstruction des temples des dieux de la patrie), restauration des
valeurs nationales et du patriotisme. Politique culturelle
d'encouragement à la création artistique (avec Mécène). C'est un
temps de paix retrouvée, l'âge d'or de la litt. latine, point
d'aboutissement du classicisme romain : Tite-Live, Virgile et
Horace (« chantres » du pouvoir), et la génération
suivante des poètes élégiaques, Properce, Tibulle et Ovide (poésie
d'amour).
Rome
= puissance et maturité ; elle s'interroge donc sur son
identité et se tourne vers ses origines, qu'elle s'essaie à
reconstruire, notamment en se différenciant de la culture grecque à
laquelle elle doit tant. Tite-Live et Virgile célèbrent
au même moment la destinée de Rome : l'histoire de T.-L.
commence là où s'arrête l'épopée virgilienne. Tous deux sont le
reflet des immenses espoirs conçus par les intellectuels du temps à
l'avènement d'un nouveau régime.
- Structure :
Plan
de l’œuvre
Chants
I – VI : Les voyages d'Enée
I
– Circonstances de la rencontre entre les deux héros (réception,
banquet (Platon))
II
– III – Le récit d'Enée (=analepse) (une soirée)
IV
– Amour de Didon
V
– Escale en Sicile et jeux funèbres
VI
– La descente aux enfers
Chants
VII – XII : Les combats (pour fonder une terre nouvelle)
VII
– Arrivée dans le Latium
VIII
– La guerre se prépare
IX
– Premières batailles (sans Enée)
X
– XI – La guerre se poursuit
XII
– Mort de Turnus et victoire d'Enée
Plan
du livre IV
Passion
irrésistible [4,
1-172]
*
Didon s'abandonne à la passion (4,
1-89)
*
Les déesses s'en mêlent (4,
90-128)
*
Union des amants dans la grotte (4,
129-172)
Rupture
inévitable [4,
173-295]
*
La Renommée divulgue la liaison des amants (4,
173-218)
*
Mercure rappelle à Énée sa mission (4,
219-295)
Tentative
de Didon pour retenir Énée [4,
296-449]
*
Premières réactions de Didon (4,
296-330)
*
Justifications d'Énée (4,
331-361)
*
Invectives de Didon (4,
362-392)
*
Attitudes respectives des deux amants (4,
393-449)
Mort
secrètement programmée [4,
450-552]
*
Didon planifie son suicide (4,
450-521)
*
Didon se sent coupable et acculée à la mort (4,
522-552)
Suicide
de Didon [4,
553-705]
*
Départ précipité d'Énée (4,
553-583)
*
Didon maudit Énée et sa race (4,
584-629)
*
Le suicide, l'agonie et la délivrance (4,
630-705)
- Sens et portée de l'œuvre :
- Cette épopée célèbre 1)
l'origine de l'Empire romain et 2) les exploits de l'Empereur Auguste
(un « nouveau Romulus ») à travers la légende d'Enée.
Auguste : restaurateur de la
paix après un siècle de guerres civiles et fondateur du
principat, ce nouveau régime politique dans le quel les Romains du
premier siècle virent une promesse de renaissance pour leur cité.
Doté d'une signification politique forte, mythifie l'histoire
du peuple romain en l'inscrivant dans la perspective d'une destinée
voulue par les dieux et légitime la vocation de Rome à gouverner
le monde. Rome = puissance des
armes et impérialisme (voir dernière citation).
- Les pérégrinations de Didon
dans la légende et d'Enée dans l’œuvre : Mythe
du voyage vers l'Ouest, lieu du soleil couchant, la terre de
l'au-delà et du bonheur suprême, les îles bienheureuses, derrière
les colonnes d'Hercule.
- Citations :
-
Le prologue résume l'argument de l'épopée :
Arma virumque cano, Troiae
qui primus ab oris / Italiam, fato profugus, Laviniaque venit /
litora, multum ille et terris iactatus et alto / vi superum saevae memorem Iunonis ob iram; /
litora, multum ille et terris iactatus et alto / vi superum saevae memorem Iunonis ob iram; /
multa quoque et bello passus,
dum conderet urbem, / inferretque deos Latio, genus unde Latinum,
/
Albanique patres, atque altae moenia Romae1.
Albanique patres, atque altae moenia Romae1.
- Enée reçoit de son père dans
les Enfers ce fameux avertissement qui définit l'identité romaine
dans la puissance des armes et l'impérialisme :
Tu regere imperio populos,
romane, memento/ Hae tibi eunt artes ; pacisque imponere morem /
Parcere subjectis et debellare
superbos.2
- Jupiter déclare : Je
lui [=à Rome] ai
donné un empire sans fin.
- Thèmes principaux et motifs :
Motifs récurrents dans
le genre épique :
- L'invocation à la muse
- La descente aux enfers
1« Je
chante l'horreur des armes de Mars et le héros qui, des bords de
Troie, vint en italie, prédestiné, fugitif, et aux rives de
Lavinium ; ayant connu bien des traverses et sur terre et sur
l'abîme sous les coups de Ceux d'en haut, à cause de la colère
tenace de la cruelle Junon, il souffrit aussi beaucoup par la guerre
comme il luttait pour fonder sa ville et installer ses dieux dans le
Latium ; d'où la race latine, les Albains nos pères et le
smurs de la haute Rome. » (trad. J. Perret)
2« Toi,
Romain, soviens-toi de régir les peuples sous ton empire ; tes
arts à toi seront d'imposer les conditions de la paix, d'épargner
les vaincus et de dompter les superbes. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire